1 – Description de la méthode
Intention : Offrir un outil simple de représentation d’entités (vivantes, juridiques, composites…) situées à distance ou n’ayant pas de voix audibles.
Usages : Représenter, Délibérer, Consulter, Comprendre.
Facilité de déploiement : Facile
Protocole : Cette méthode s’applique dans toute assemblée, réunion, cercle, ou tout autre processus d’intelligence collective. Il s’agit de rajouter une ou plusieurs représentations non-humaines. Dans l’espace physique prévoir une place vide qui représentera :
• Soit une entité non-humaine déjà définie dès le départ (ex : l’entreprise, le marché, les clients, ou encore la forêt, le fleuve, la maison…)
• Soit une entité non-humaine « variable » (ex : à un moment, quelqu’un représentera les oiseaux, à un autre, une autre personne parlera au nom des insectes)
On peut prévoir autant de places vides que d’entité variable ou prédéfinie, comme dans les assemblées de la Fédération Francophone de Sylvothérapie, où il y a une chaise vide pour la Fédération en tant qu’entité, et une chaise vide pour la forêt.
Ces espaces doivent être marqués par des symboles qui les identifient (par exemple avec des éléments rapportés de l’extérieur ou des étiquettes, des dessins collés sur le dossier de la chaise, etc…). Cela aide fortement les personnes qui s’y placent à incarner la représentation qu’elles viennent « capter ».
Au démarrage de la réunion, préciser ce que sont ces espaces dédiés, ce qu’ils représentent et dire qu’à tout moment, n’importe qui peut venir s’y placer si iel se sent appelé·e et parler au nom de l’entité que cet espace représente (et si c’est la variante « représentation variable », iel doit préciser au nom de qui iel parle, à chaque fois).
La représentation dure le temps d’une prise de parole au même titre que les autres à ceci près que, si besoin, la personne qui s’assoit peut d’abord prendre 30 secondes à une minute pour se centrer, pieds posés au sol et buste droit, en respirant en profondeur, en silence, pour « sentir » ce qui vient, avant de parler.
A la fin de de ce temps de partage « délégué », la personne se lève, se « dé-rôle » à sa manière (en disant par exemple : « Je ne suis plus la rivière, je redeviens [mon prénom]. » et en s’ébrouant !) et retourne s’asseoir à sa place initiale. Les autres peuvent remercier l’entité qui s’est exprimée à travers la personne, et remercier la personne d’avoir parlé pour elle. Attention, préparez-vous, parfois, ça décoiffe émotionnellement !
Nombre de personnes humaines minimal ou maximal : Dans les limites d’une réunion en présentiel habituelle.
Pré-requis éventuels : Les participant·es doivent être suffisamment centré·es pour ne pas être manipulé·es par des considérations mentales ou égotiques. Un temps préalable d’éveil des sens peut être particulièrement pertinent.
2 – Un retour d’expérience : l’Assemblée de la forêt 2022
Date : 19 au 22 août 2022
Lieu : Sourcieux-les-Mines (Rhône)
Problématiques explorées : Prendre en compte l’avis de la forêt dans notre organisation collective
Nombre de personnes humaines effectivement présentes : 16
Variante suivie : Un espace dans le cercle, dédié à représenter la voix de la forêt qui nous abritait, ouvert au démarrage par un petit rituel (« ce lieu devient la voix de la forêt »), puis fermé à la fin de chaque session, par un autre rituel (« ce lieu revient dans l’état où il doit être ») – sauf les fois où nous oublions !
Description de l’environnement : Un espace sous un chêne appelé Merlin, fort commode pour s’asseoir en cercle à une quinzaine de personnes
Ce qui s’est passé : À chaque réunion, au moins une personne, parfois deux, venaient s’asseoir un moment pour écouter la voix de la forêt et la restituer. C’est devenu comme un réflexe.
Ce que cela a permis : La forêt apportait souvent un point de vue nouveau sur la situation. Certaines décisions ont pris en compte ces points de vue nouveaux.
Ce que cela a généré pour les humain·es présent·es : émotions, gratitude, ouverture de vue – et nouveauté, bien sûr !
3 – Témoignages en lien avec cette expérience
Maïté : Mon intention était d’écouter la forêt, de voir s’il y avait des apports différents à entendre. J’ai pu ressentir la voix de la forêt dans laquelle nous étions. C’étaient plus des sensations, le sentiment de la présence de la forêt comme entité à part entière, l’impression du mouvement des arbres, le rythme lent par rapport aux rythmes humains, l’impression d’un chœur d’êtres autour de moi. J’ai appris qu’il est possible de ressentir des choses décalées par rapport à moi en faisant cet exercice. Le fait de se déplacer pour aller sur un siège spécifique est vraiment aidant. Le mouvement dans l’espace crée la possibilité de se connecter à la forêt. Par ailleurs, les messages reçus amènent eux-mêmes dans une dimension différente de celle de nos discussions habituelles.
Je n’ai pas reçu de messages « clairs » au sens de la communication ou de l’argumentation humaine… mais peut-être n’est-ce pas là le propos… cela crée justement une opportunité de se parler autrement.
Le fait d’être en cercle d’humain·es est à la fois aidant et stressant. Se déplacer, se mettre à la place « forêt » et tenter d’entendre, percevoir quelque chose de subtil alors que les yeux des humain·e·s sont rivés sur soi n’est pas très facile. Mais osez y aller, tentez, sans enjeux et en restant ouvert·es à la surprise !
Nathalie : Mon intention était de prendre en compte la forêt et d’expérimenter. Je n’ai pas eu le sentiment de recevoir un message, j’ai juste ressenti le fait d’intégrer le point de vue d’une entité vaste dans le temps et l’espace, dont la grandeur est vénérable. J’ai ressenti beaucoup de sérénité, une sensation de hauteur de vue, d’ordre, de simplicité qui émanait de la forêt. Cela m’a appris l’intérêt de m’extirper des problématiques humaines pour adopter un point de vue extérieur, et très étranger, plus englobant. Je me suis sentie faire partie du lieu, reconnue et reconnaissante. Le fait de se déplacer et de changer de place a de l’importance, c’est comme un passage en coulisses ou dans un sas pour changer d’habits, cela matérialise le changement de perspective. J’ai trouvé difficile de mettre des mots, la pression, l’attente de résultat (le message) m’ont un peu empêchée de goûter pleinement le moment.
C’est une méthode qui est reproductible et conviviale. Elle demande un temps de centrage avant. Je dirais que c’est une expérience qu’il faut faire et refaire, sans attendre tout de suite un message clair et dicible. Ne pas hésiter si on découvre la méthode à ne rien dire au début. Les mots viendront peut-être plus tard.