Controverse multi-spécifique

1 – Description de la méthode

Intention : La « Controverse multispécifique » est une forme d’assemblée de vivants imaginée et mise en scène par le Lichen, afin de représenter divers intérêts humains et non-humains autour de problématiques auxquelles se confrontent territoires, collectifs ou organisations.

Usages : Sensibiliser, délibérer.

Facilité de déploiement : Moyenne (acceptation facile, facilitation nécessitant des compétences spécifiques)

Protocole et variantes possibles : Nous présentons ici le format destiné à la sensibilisation et à un début de délibération, d’autres formats pour d’autres usages (décider, délibérer plus en profondeur, co-concevoir) ont été testés.

Bénéfices : une reformulation de la problématique, un partage de représentations à partir d’autres points de vue, des propositions innovantes, un moment fédérateur qui permet à chacun.e de se rendre compte que c’est possible, fructueux et agréable d’inclure les non-humains dans nos systèmes de décision.

Rappel : Il est important de représenter aussi des intérêts humains, même si cela crée un risque de tension, à tempérer du moment que la tension ne se traduit pas sous la forme habituelle d’un antagonisme où le débat s’enlise (par exemple si les interventions de chaque groupe vire à l’invective, l’insulte, la déformation des propos, les reproches, etc.). En amont, nous aurons besoin d’identifier une problématique locale réelle ou fictive par exemple en interviewant les acteurs clés du territoire afin de mieux comprendre les enjeux, les intérêts humains et non-humains en présence et leurs interdépendances (ex : élus, acteurs de l’aménagement, militant·es, habitant·es, etc..).

A partir de ces entretiens, nous pouvons :

  • Concevoir des fiches techniques sur les groupes d’intérêts représentés (humain·es et non-humains)
  • Créer un support de présentation des enjeux
  • Préparation sur place :
    • Disposer les tables en demi-cercle avec plusieurs chaises pour chaque table
    • Préparer des étiquettes « rôles » à distribuer aux participant·es
    • Préparer des écriteaux avec l’intitulé des groupes d’intérêt à coller sur les tables de manière visible (ou, plus dans l’esprit, des signes distinctifs faciles à identifier comme des plumes pour les oiseaux)

Équipe et compétences : La préparation et l’animation de cette méthode nécessitent 2 ou 3 personnes (facilitateur.ices, animateur.ices, scribes) en vue de cumuler les compétences permettant de :

  • Animer un débat
  • Faciliter un temps d’ancrage et de connexion sensible
  • Animer un groupe, avec un juste équilibre entre humour et profondeur
  • Mener des entretiens qualitatifs
  • Identifier les enjeux clés et leurs interdépendances
  • [Facultatif] Il peut y avoir des facilitateur·trices complices dans chaque groupe d’intérêt (nombre à déterminer en fonction du nombre de groupes représentés).

Conditions d’utilisation préconisées : Accès à un espace extérieur, grand espace intérieur ou extérieur selon la météo pour se mettre en cercle avec une acoustique adaptée

Matériel nécessaire : Chaises, tables, paperboard et marqueurs, stylo, papier, étiquettes, feuilles, scotch.

Déroulé :

1. Accueil et distribution d’un rôle à chacun·e et invitation aux participant·es à repérer leur groupe d’intérêt dans l’espace (15’).

2. Discours de bienvenue, présentation des intervenant·es, du contexte, de l’intention et du cadre par l’équipe (10’).

3. Introduction de la problématique et des intérêts en présence (5’) :

Ex. : « D’habitude nous menons des débats depuis notre raison en restant dans le mental, ce qui nous coupe de nos corps et de nos ressentis et d’une dimension sensible. Cette fois-ci, nous vous proposons au contraire de renouer avec nos ressentis et émotions, en activant notre empathie, de nous mettre « à la place de ». Pour cela, nous allons vivre un temps d’ancrage guidé pour activer un état de présence qui devrait vous permettre de représenter au mieux les intérêts de vos groupes. »

4. Temps d’incarnation guidée de ces groupes d’espèces et positionnement dans l’espace pour comprendre le fonctionnement du système (25’, sur le lieu concerné par la problématique, ou par défaut, dehors, ce qui implique de sortir de la salle, compter un peu de temps pour mobiliser tout le groupe).

  • Appel de chaque groupe d’intérêt et positionnement en silence des participants dans l’espace de représentation en fonction de la nature des espèces représentées et leur place dans l’écosystème.
  • Ancrage guidé permettant une reconnexion au corps, au souffle, aux pieds en contact avec le sol, et à tous les « sens » possibles : ouïe, toucher, odorat, équilibre, proprioception, intuition, imagination. Cette animation nécessite des compétences en sophrologie, pleine présence ou méthodes équivalentes.
  • Enrôlement et présentation de chaque espèce ou groupe d’intérêt, invitation à devenir ces vivants-là, à sentir ce qui est visible et aussi tout ce qui se passe dans le sol. Ceci est valable aussi pour les représentants des intérêts de certains groupes d’humains.

Ex. : « Représentant·es des animaux de la rivière, je vous invite à devenir animaux de la rivière : regardez ce qui remue dans l’eau autour de vous, sentez comment c’est d’être un animal de la rivière, sentez le contact des courants, représentant·es des chauves-souris, je vous invite à devenir chauves-souris : ouvrez vos ailes et votre radar, écoutez les échos »

  • Guidage et connexion profonde pour tous·tes en même temps :

« Prenez quelques respirations pour habiter votre être ; imaginez comment a été votre vie depuis votre naissance en tant que cet être, quelle est votre histoire, les éléments marquants…. Dans quel état êtes-vous à ce moment ? / Silence, respirez / Quels sont les sons qui vous entourent ? les odeurs ? qu’est-ce que vous percevez ? / Comment votre corps a-t-il envie de bouger, de se mouvoir dans l’espace ? Quels sont les mouvements qui vous viennent ? / Quels sont vos proches ? avec qui vous vous sentez en relation ? / Ouvrez les yeux / De quoi auriez-vous besoin ? Qu’est-ce qui vous manque ? / Qu’est-ce que vous ne voudriez pas perdre ? à quoi êtes-vous attaché·e ? »

  • Dé-rôlage (étape très importante pour ne pas rester toute sa vie une chauve-souris 😊 !)

« Reprenez contact avec votre respiration, le sol sous nos pieds. Je vous invite à reprendre forme humaine : bougez les orteils et les doigts, les membres / ouvrez les yeux / Vous avez repris forme humaine, et redevenez des représentant·es humain·es de ces entités / Nous allons quitter le champ et former un cercle, prenons le temps de nous regarder et de nous reconnaître en tant qu’humain·es »

  • Retour en salle

5. Appropriation par groupes (10 à 15’)

  • Débrief de ce qui a été vécu en groupe d’intérêts : temps d’appropriation des intérêts (si besoin via les fiches techniques) par des partages des connaissances (senties ou lues) au sein de chaque groupe.
  • Re-énonciation de la problématique et de la question aux différents groupes d’intérêt.
    Chaque groupe d’intérêt réfléchit à la perspective du groupe et identifie un porte-parole.

6. Débat autour de la problématique (25’)

  • « Que ressentez-vous par rapport au projet … ? », « Quels sont mes besoins ? », « Quelle demande avez-vous à faire aux autres groupes par rapport au projet ? », etc. Chaque groupe répond à ces questions, en plénière, à tour de rôle.
  • Deuxième tour : « En ayant entendu les demandes des un·es et des autres, est-ce que vos positions évoluent ? » Seuls les groupes qui ont quelque-chose à dire s’expriment.

7. Débriefing sous la forme d’un cercle de partage, en un mot chacun·e (5’)

Partis pris : Pour faciliter la mise en œuvre de cette méthode, nous recommandons de :

  • Représenter des groupes d’intérêts communs (ex. : la forêt) plutôt que des espèces (ex. : les chênes) si c’est biologiquement pertinent
  • S’autoriser à avoir des groupes d’intérêt hétérogènes en fonction des enjeux du territoire (ex. : les chauves-souris et les animaux de la rivière)
  • Représenter les humains dans une seule famille d’espèce, dans une logique de proportionnalité des intérêts
  • Si nécessaire, projeter la problématique dans le futur afin de décentrer les participant·es d’enjeux réels et tensions possibles autour de ces enjeux. L’idée n’est pas de tourner au pugilat interspécifique !

Nombre de personnes humaines min-max : 15 / 60. Au moins 5 parties prenantes représentées avec idéalement 4 pers. par groupe d’intérêts.

Durée théorique : 1h30 à 2h